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Retour sur la performance poignante de Marina Abramović il y a 43 ans

L’artiste-performeuse serbe Marina Abramović réalise en 1974 une performance risquée. Elle se livre entièrement au public pendant six heures. Le principe de cette performance intitulée « Rhythm o » est très simple, mais elle finira de manière bouleversante. 

Youtube/Marina Abramovic Institute

Dans le studio napolitain Morra, l’artiste se tient debout, figée, dans une pièce. Dans cette même pièce se trouvent 72 objets placés sur une table. Une affiche donne la « consigne » suivante : 

« Sur la table il y a 72 objets avec lesquels vous pouvez me faire ce que vous voulez.

Performance.

Je suis un objet. 

Je prends la responsabilité de tout ce qui se passera dans ce laps de temps.

Durée : 6 heures (20h – 2h) »

Youtube/Marina Abramovic Institute

Les objets sont répartis en deux catégories. L’une est composée des « objets de plaisir », l’autre des « objets de destruction ». Les objets de plaisir sont complètement inoffensifs, il y a des plumes, des fleurs, des raisins, du parfum, du vin, du pain. Parmi les objets de destruction se trouvent, entre autres, un couteau, des ciseaux, une barre de fer, des lames de rasoir et un pistolet avec une cartouche. 

Youtube/Marina Abramovic Institute

Peu de choses se passent pendant les premières heures. Ce sont surtout des photographes qui l’approchent. Puis, des personnes du public commencent peu à peu à la bousculer, l’embrasser, lui font lever les bras en l’air ou bien lui offrent des fleurs. Mais c’est seulement le calme avant la tempête. 

Youtube/Marina Abramovic Institute

À partir de la troisième heure, les « objets de destruction » sont utilisés. Certains se mettent à la déplacer, l’attachent à une table et enfoncent un couteau entre ses jambes.

Youtube/Marina Abramovic Institute

On déchire ses vêtements avec des lames de rasoirs et un homme la coupe au niveau du cou avant de boire son sang. Certains l’agressent sexuellement. Mais la torture n’est pas terminée, elle va d’ailleurs s’intensifier. 

Youtube/Marina Abramovic Institute

« Pendant la troisième heure, on a déchiré ses vêtements avec des lames de rasoir. Pendant la quatrième heure, on a commencé à la couper avec. Elle a été agressée sexuellement », raconte le critique d’art américain Thomas McEvilley, qui a assisté à la performance. 

Marina Abramović se souvient des deux dernières heures : « Je me suis sentie violée, ils ont arraché mes vêtements, ils m’ont enfoncé des épines de rose dans le ventre, ont pointé un pistolet sur ma tête. » 

Youtube/Marina Abramovic Institute

Étonnamment, une fois les six heures écoulées, le « public » ne peut plus la regarder en face. Elle est redevenue un être humain à leurs yeux.

Youtube/Marina Abramovic Institute

Précisons néanmoins qu’il y a eu différentes réactions lors de la performance. Il y avait en effet un « groupe agresseur » et un « groupe protecteur ». Après que quelqu’un lui ont pointé le pistolet sur la tête, une bagarre a eu lieu entre les deux groupes. On peut dire que cette performance a secoué tout le monde. 

Youtube/Marina Abramovic Institute

Dans cette vidéo (en anglais) vous pouvez voir Marina Abramović raconter son expérience :

« Ce travail révèle ce qu’il y a de plus horrible chez les gens. Cela montre à quelle vitesse quelqu’un peut se décider à te blesser lorsqu’il y est autorisé. Cela montre à quel point il est facile de déshumaniser quelqu’un qui ne se défend pas. Cela montre que la majorité des gens ‘normaux’ peuvent devenir très violents en public si on leur en donne la possibilité. » C’est ce que dit l’artiste avec ses propres mots. Et malheureusement, elle a bien raison.